Séminaire — Pour une éducation critique aux médias en contexte numérique (2)

 

Pour une éducation critique aux médias en contexte numérique, deuxième saison : « Pré-Figurations / Contre-figurations »

Nov./Dec. 2016 — Séminaire doctoral animé par Alexandra Saemmer et Sophie Jehel, Université Paris 8, CEMTI, dans le cadre de l’ED Sciences Sociales (ED 401).

Le champ de l’enseignement primaire et secondaire a été fortement marqué en cette rentrée 2016 par une réforme des curricula, très contestée par certains acteurs sur le terrain, et qui prévoit entre autres une place encore plus forte pour les dispositifs et outils numériques dans la pratique pédagogique. Dans l’enseignement supérieur également, les initiatives pédagogiques reposant sur une mobilisation du numérique – par exemple la mise en place de MOOC – se trouvent favorisées par des appels d’offres, encadrées par des discours d’accompagnement officiels investissant ces dispositifs et outils d’un grand nombre d’espoirs.

Les politiques d’éducation aux médias se développent donc actuellement en direction d’objectifs aussi différents que l’introduction des dispositifs et outils du numérique dans les apprentissages, et l’éducation critique à l’information avec dans le viseur la lutte contre le « complotisme » et la « radicalisation ». Face à cette actualité, après une année de travail sur les enjeux de l’éducation aux médias revisités par les sciences de l’information et de la communication qui a réuni des enseignants-chercheurs, doctorants, enseignants du secondaire et autres acteurs sur le terrain, nous avons décidé de poursuivre le chantier en choisissant la thématique « Pré-Figurations / Contre-figurations » comme fil rouge pour cette deuxième saison du séminaire.

Si les industries du numérique essaient de « pré-figurer » les pratiques de recherche d’information, d’expression et de communication par diverses stratégies qu’ils s’agit de continuer à analyser en mobilisant différentes méthodologies de la recherche en SIC – sociologie des médias, études des usages, de la conception et de la réception, théories des industries culturelles, sémiotique sociale des dispositifs — nous nous intéresserons également aux « contre-figurations » que les usagers avertis inventent, aux modalités de résistance, de détournement des stratégies marchandes, qui laissent une marge de choix et d’engagement.

Construire un esprit critique quant au fonctionnement des Réseaux socio-numériques, qui engage un formatage des pratiques sous couvert d’empowerment, qui repose sur l’extension des techniques de surveillance et d’auto-surveillance sous couvert de promesses de confort et de performance, a fait émerger une problématique centrale : comment le consentement à ces stratégies des plateformes motivées par des intérêts marchands peut-il s’articuler à des usages pédagogiques des Réseaux socio-numériques ?

Quels outils-logiciels, quels langages utiliser dans les pratiques pédagogiques ? Comment approcher les dispositifs retenus pour limiter les effets de formatages ? En quoi le choix de logiciels libres revêt-il une dimension politique ? Quelles sont les pratiques d’argumentation, d’apprentissage, d’expression créative qui pourraient éclore avec, ou à l’encontre des stratégies de formatage, les détournant, les inquiétant, voire les annihilant à certains moments ?

Les politiques publiques s’orientent vers une connexion généralisée comme remède aux crises de l’école, crise de l’autorité, crise d’efficacité, crise de légitimité, or l’hyperconnexion suscite de fortes inquiétudes, stress, difficulté de concentration, surexposition de la vie privée. L’école devrait-elle apprendre à se déconnecter, du moins par moments, pour mieux apprendre ?

Les objectifs investis de façon plus traditionnelle par l’école en France autour de la compréhension des contenus médiatiques, et le développement de la pensée critique vis-à- vis des contenus informationnels restent également d’actualité, revisités à l’aune des préoccupations publiques relatives à la fois à l’égalité « réelle » des femmes et des hommes, à la lutte contre les stéréotypes et les discours discriminatoires, mais aussi à la mise en œuvre de contre-discours susceptibles d’enrayer la diffusion de la « radicalisation » et du « complotisme ». L’école se retrouve en première ligne pour la défense d’un modèle démocratique pluraliste et pour dialoguer avec les jeunes. Cela suppose que ces questions soient définies clairement en tenant compte des acquis comme des difficultés de la recherche.

NB : Les séances ont lieu le vendredi de 14h à 17h sauf pour le 16 décembre où deux séances sont organisées dans la journée, elles sont hébergées à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord, 20 avenue George Sand 93210 St-Denis (Métro : Ligne 12, Front Populaire).

 

Programme des séances

 

4 novembre 2016 : RSN, Facebook, Surveillance, salle 401

Serge PROULX : La surveillance à l‘ère numérique
Alexandra SAEMMER : Détourner Facebook par Facebook, l’œuvre « Un monde incertain » de Jean- Pierre BALPE


18 novembre 2016 : Education aux médias : entre utilisation et résistance aux outils numériques, salle 401

Clément MABI : Pourquoi le design compte ? Décrypter l’environnement numérique à travers le design des applications
Tiphaine CARTON : Prescription des usages, “arts de faire” numériques. La conception des ressources numériques pédagogiques face aux pratiques enseignantes


25 novembre 2016 : L’emprise des logiciels sur les écritures, salle 413

Yves JEANNERET : Penser le programme et la prescription au sein de l’économie scripturaire
Sébastien BROCA : Les enjeux politiques des logiciels libres


9 décembre 2016 : Connecter ou déconnecter les jeunes ?, salle 402

Francis JAUREGUIBERRY : l’Hyperconnexion et les difficultés de la déconnexion
Fardin MORTAZAVI : Théâtre d’ombre et la déconnexion des collégiens


16 décembre 2016 (Journée double), salle 413

9h30-12h30 : Lutter contre les stéréotypes de genre dans les médias

Marlène Coulomb GULLY : Le genre dans les SIC
Virginie JULLIARD : La production du genre dans les dispositifs d’écriture numériques

14h-17h : Eduquer contre la radicalisation et le complotisme ?

Sophie JEHEL : Comment comprendre les phénomènes de « radicalisations » chez les adolescents pour construire des démarches d’éducation aux médias.
Bruno DUVIC, Alexandre HALLIER (La générale de production) : « Les clés des médias » : un outil pour les enseignants ?