Séminaire — Pour une iconographie politique des “dominés”. Objets, méthodes, enjeux.

 

Séminaire co-organisé par le LabToP/CRESPPA (CNRS-UMR 7217) et le CEMTI (EA 3388) avec le soutien du Labex Arts-H2H. Coordonné par Maxime Boidy.

Longtemps à la marge des sciences sociales et politiques, les savoirs visuels intéressent à nouveau ces disciplines au sein du monde francophone. Ils bénéficient aussi de l’essor de paradigmes interdisciplinaires dans différentes aires intellectuelles, qui placent de plus en plus souvent les phénomènes politiques au centre de leurs investigations. Les études de culture visuelle (Visual Culture Studies), apparues dans le champ universitaire anglo-américain durant les années 1980 en marge de la discipline de l’histoire de l’art, prolongent par exemple l’ambition des études culturelles, féministes et postcoloniales en se focalisant sur la visibilité des phénomènes de classe, de genre et de race (Evans, Hall, 1999 ; Mirzoeff, 2009). L’iconographie politique (Politische Ikonographie) s’est développée comme un sous-champ disciplinaire de l’histoire de l’art germanophone en se consacrant aux motifs visuels comme vocabulaire du politique (Fleckner et al., 2011 ; Joschke, 2012). Des recherches issues de l’aire intellectuelle italienne portent une attention particulière à la mise en image des idées politiques (Ginzburg, 2013 ; Agamben, 2015). En France, les travaux fondateurs de l’historien de l’art Louis Marin sur l’iconographie du pouvoir monarchique (Marin, 1981) trouvent des échos ou des prolongements en sociologie, en anthropologie ou en sciences de l’information et de la communication, autour d’objets tels que la visibilité médiatique de l’émeute (Bertho, 2009), l’iconographie des formes de contestation (Crettiez, Piazza, 2013) ou les motifs symboliques de l’action politique (Vergnon, 2005). Cet ensemble de travaux appelle deux constats, qui tracent les lignes directrices de ce séminaire.

D’une part, sur cette base, il est désormais possible de circonscrire un champ de recherches spécifiquement dévolu à l’« étude visuelle du politique ». L’appréhension d’un tel champ nécessite toutefois de mener une réflexion interdisciplinaire approfondie sur ses fondements épistémologiques et méthodologiques, afin d’identifier les articulations nécessaires entre les positions intellectuelles les plus attentives aux exigences de scientificité (constitution de corpus empiriques, administration de la preuve) et les perspectives plus enclines à la théorisation et/ou à la politisation des savoirs visuels.

D’autre part, les travaux existants se sont fréquemment penchés sur l’iconographie du pouvoir dominant et de ses institutions, à l’instar de la représentation classique de l’État qui orne le frontispice du Léviathan (1651) du philosophe anglais Thomas Hobbes (Bredekamp, 2003). Il s’agit a contrario d’interroger les modalités d’enquête et de constitution de corpus non du point de vue des dominants, mais de celui des « dominé(e)s », et ce à trois niveaux au moins :

(1) l’identification de corpus visuels et politiques susceptibles de nourrir la réflexion interdisciplinaire sur l’iconographie des « dominé(e)s », au-delà ou à côté des travaux nombreux portant sur les révoltes, les révolutions et les mouvements d’émancipation les plus connus, en particulier le mouvement ouvrier. Il s’agirait de dégager une liste de lieux d’archives (Institut Warburg, Archives nationales, etc.), de thématiques, ainsi qu’une bibliographie de travail, notamment parmi les axes de recherche et les travaux des participant(e)s du séminaire.
(2) une réflexion sur le point de vue des « dominé(e)s » et la production d’images par les catégories reléguées du monde social. On pourra approfondir cet axe de recherche en s’intéressant en particulier aux représentations visuelles des critiques de la représentation politique. Cet axe vise à interroger les relations qu’entretiennent ces deux formes de représentation dans l’iconographie des « dominé(e)s ». Seront notamment questionnées la visibilité de la dissimulation comme critique de la représentation à travers l’exemple de la tactique du « black bloc », ou l’imagerie amateur produite durant le processus révolutionnaire tunisien.
(3) une réflexion sur les formes de domination liées aux savoirs visuels. L’âge moderne a été caractérisé de longue date comme une période historique durant laquelle le visible participe d’une rationalité de la domination, à la production de sujets « observateurs » (Crary, 1994). Il s’agit de réfléchir plus largement au rôle des savoirs visuels dans la production de la domination, dans la construction de catégories politiques appliquées aux « dominé(e)s » (telles que le populisme) et dans leurs mises en représentation.

 

PROGRAMME DES SÉANCES :

 

Séance 1 – 6 novembre 2015 – 13h-15h – salle A217 (Campus Paris 8)
« L’iconographie politique des “dominé(e)s” : un programme de recherche ». Séance coordonnée par Maxime Boidy (post-doctorant Labex Arts-H2H – CEMTI – Paris 8) et Laurent Jeanpierre (LabToP/CRESPPA – Paris 8)

Séance 2 – 20 novembre 2015 – 14h-16h30 – salle D143 (bâtiment D – Campus Paris 8)
« Esthétiques critiques de la représentation politique : le cas du “black bloc” ». Séance coordonnée par Maxime Boidy

Séance 3 – 18 décembre 2015 – 13h-14h45 – salle D143 (bâtiment D – Campus Paris 8)
« Des images “pauvres” ? Penser les productions visuelles des anonymes de la révolution tunisienne : propositions pour une méthodologie ». Séance coordonnée par Ulrike Lune Riboni (CEMTI – Paris 8)

Séance 4 – 15 janvier 2016 – 17h-19h – salle 159 (Site Pouchet)
« Visualité et droit de regard : le cas de Black Lives Matter ». Conférence de Nicholas Mirzoeff (New York University)

Séance 5 – 19 février 2016 – 14h-16h30 – salle D143 (bâtiment D – Campus Paris 8)
« À quoi sert l’iconographie politique ? Retour sur un demi-siècle d’histoire visuelle germanophone ». Séance coordonnée par Christian Joschke (HAR – Paris 10)

Séance 6 – 25 mars 2016 – 14h-16h30 – salle D143 (bâtiment D – Campus Paris 8)
« Visibilités politiques : images du peuple, images du populisme ». Séance coordonnée par Maxime Boidy

 

LIEUX DU SÉMINAIRE :

Campus Paris 8 : 2 Rue de la Liberté, 93200 Saint-Denis
Site Pouchet : 59/61 rue Pouchet, 75017 Paris